Les vins biologiques des appellations Madiran et Pacherenc du Vic Bilh
Les vins biologiques sont de plus en plus plébiscités par les consommateurs. Sur les appellations Madiran et Pacherenc du Vic Bilh, des domaines ont choisi de se convertir à la viticulture bio et durable. Découvrez leur parcours, motivations et façon de travailler dans cet article aux travers de deux interviews !
Pour cet article, nous sommes partis à la rencontre de deux viticulteurs des appellations Madiran et Pacherenc du Vic Bilh qui se sont convertis, ou sont en conversion, à la viticulture biologique.
Quelles ont été leurs motivations ? Quelles sont les étapes ? Quels bénéfices en tirent-ils aujourd’hui ? Découvrez leur expérience et leur vision dans cet article !
Notre premier viticulteur interviewé est Philippe MUR du domaine du Clos Basté. Il est le premier viticulteur de l’appellation Madiran et Pacherenc du Vic Bilh à s’être converti dans la viticulture bio.
Notre seconde viticultrice est Claire DUFAU, du domaine de Maouries, qui est aujourd’hui en conversion vers une viticulture biologique.
Premièrement, pouvez-vous vous présenter : depuis combien de temps êtes-vous viticulteur, vos motivations à choisir cette voie et votre domaine.
Philippe MUR : “Je m’appelle Philippe MUR, je suis oenologue de formation, métier que j’ai exercé de nombreuses années dans de grandes maisons et domaines. Puis, en 1998 j’ai créé le Clos Basté avec mon épouse Chantal.
Nous avons racheté la vieille ferme qui se trouvait sur le domaine, puis avons tout créé de A à Z ! Petit à petit, nous avons repris différentes parcelles de vieilles vignes et créé le domaine Clos Basté.
Aujourd’hui nous avons 10 hectares de vignes, avec du vin de caractère. Nous sommes toujours l’esprit en éveil, à essayer d’améliorer continuellement notre culture du sol, tout en restant en adéquation avec nos valeurs ! Nous sommes véritablement partis de zéro en termes de notoriété, fichiers clients ! Aujourd’hui nous sommes vraiment fiers de ce que nous avons accompli.”
Claire DUFAU : “ Je m’appelle Claire DUFAU et j’ai rejoint le domaine de Maouries en 2016, d’abord en tant que salariée puis en 2019 je me suis associée avec mon père; mon oncle et ma tante. Le domaine de Maouries est un domaine familial !
J’ai suivi une formation d’ingénieur agronome et à la suite de mes études j’ai rejoint le domaine, premièrement pour des raisons un peu sentimentales, c’est une histoire de famille ce domaine ! Puis également parce que j’ai eu envie de reprendre le flambeau, de donner un nouveau souffle, de continuer à faire vivre le domaine de Maouries.”
Pouvez-vous décrire ce qu’est un vin bio ? (composition, fabrication, différence entre des vins bios etc.)
Philippe MUR : “Un vin biologique se définit au travers d’un cahier des charges, reconnu au niveau européen. Aujourd’hui il n’y a qu’une seule certification reconnue en termes de contrôle. Ce cahier des charges garantit que les vins sont sans pesticide, qu’il n’y a pas de pollution des sols (pas de désherbant par exemple) et que la santé des salariés est bien préservée.
Des dizaines d’organismes certificateurs sont agréés au niveau européen, mais ils ne font que contrôler le cahier des charges.
Il faut bien noter que la certification biologique n’est pas un critère de qualité en terme organoleptique : elle n’a pas d’influence sur le goût du vin, qui varie selon les fruits, sols etc. C’est un critère de qualité au niveau hygiénique, mais n’a aucune incidence sur la qualité du vin. Par exemple, pendant une dégustation il n’y a aucun moyen de savoir si un vin est bio ou non.En termes de différence entre les vins biologiques, et bien il n’en n’existe pas vraiment. Il n ‘y a pas de catégorie dans les vins bios, le cahier des charges est unique.”
Claire DUFAU : “Alors un vin bio finalement c’est assez simple : c’est un vin qui est produit de A à Z (de la vigne jusqu’au chai) sans intrants de synthèse, qu’avec des intrants à base de produits naturels. Par exemple, sur la vigne on utilise principalement du cuivre et du soufre, mais aussi des produits à base de plantes ou encore de l’argile. Nous veillons également à la santé de nos sols et des écosystèmes en général. Par exemple en implantant des couverts végétaux l’hiver et en maintenant des zones refuges pour la biodiversité (haies, zones enherbées non tondues…)
Concernant les vins, nous avons une maîtrise technique avec des vins fiables d’une année sur l’autre tout en utilisant des intrants naturels, mais il faut parfois accepter que l’on ne peut pas tout maîtriser et laisser faire la nature.”
Depuis quand êtes-vous bio ?
Philippe MUR : “Nous sommes certifiés depuis le millésime 2008. Nous n’avons pas tout de suite, durant les premières années d’exploitation, voulu être certifiés biologiques car nous souhaitions d’abord travailler sur notre domaine, notre positionnement et éclaircir toute cette démarche, être honnête vis-à-vis de nos clients. Vous savez, les premières années où nous avons été certifiés “vin bio”, nous n’estampillons pas nos bouteilles de cette certification ! À l’époque, l’image des vins bios n’était pas forcément très bonne dans l’esprit du grand public, et cela desservait nos vins.
Maintenant, avec la connaissance du bio de nos clients, nous l’écrivons mais sur les contre-étiquettes de nos bouteilles. Nous ne le mettons pas en avant car nos clients sont attachés avant tout à la qualité de nos vins, le bio est un plus.
Bien évidemment lors de visite et de simples discussions on nous demande souvent si nous sommes bios, mais ce n’est pas notre premier argument.
J’ai par contre remarqué que depuis le confinement, il y a eu un renforcement de cette tendance, les cavistes et clients y sont beaucoup plus attentifs.”
Claire DUFAU : “Nous avons initié la démarche en 2021, mais nous réfléchissions au bio depuis quelques années.
Puis il y a la question d’investissement matériel qui est très importante, cela demande beaucoup d’équipement et donc d’investissement !
Les budgets sont à monter, à vérifier etc. ce qui demande beaucoup de temps et d’investissement humain. Aujourd’hui nous sommes en conversion , le premier millésime bio arrivera en 2024.”
Quelle est la démarche pour obtenir la certification viticulture biologique ?
Philippe MUR : “Tout d’abord il faut un organisme certificateur qui va regarder si nous répondons bien au cahier des charges pour les vins biologiques.
Si l’organisme valide, durant les 3 premières années le vin est certifié “en conversion”. Il faut ce laps de temps pour que tous les résidus de pesticides disparaissent, qu’il n’y ait plus aucune trace de contamination et que le vin soit véritablement certifié biologique.
Cette démarche d’organisme est payante et des contrôles sont effectués tous les ans pour pouvoir reconduire la certification.”
Claire DUFAU : “Il faut contacter un organisme certificateur, qui n’est pas gratuit, et cet organisme vient expliquer et contrôler si nous répondons bien au cahier des charges. Ensuite il y a deux visites par an qui portent sur l’ensemble du cahier des charges : traçabilité des produits et des pratiques. Il y a également un contrôle inopiné, qui est plus une visite terrain en général, pour voir si le cahier des charges est bien respecté.”
Qu’est-ce qui vous amené dans cette démarche du bio ?
Philippe MUR : “Après plusieurs années, nous nous sommes retrouvés un peu limités dans notre façon de travailler, dans la recherche que l’on pouvait mener pour nos sols et nos vins.
Le bio nous a permis de passer sur un autre schéma, cela nous a amené plus d’ouverture sur l’expérimentation. Par exemple, cela nous a permis d’expérimenter des techniques plus pointues dans la gestion du sol, de la vigne. Grâce au bio nous avons pu satisfaire notre soif de recherche ! une recherche entre l’équilibre des vignes, de la flore et sur la manière de travailler. Le bio nous a apporté un schéma plus complet et en adéquation avec nos valeurs.
Il n’y a pas d’impact sur la qualité des vins, mais plutôt sur le fonctionnement en général.”
Claire DUFAU : “On avait envie d’y être depuis un petit moment (même avant que je rejoigne le domaine, mon père faisait déjà très attention aux produits, aux techniques utilisés). La première motivation était quand même la santé des salariés, puis après pour des questions environnementales.
Aujourd’hui il faut changer les pratiques agricoles, faire attention à notre impact et améliorer nos façons de travailler pour préserver notre santé, celle des sols et la biodiversité. C’est le moins que l’on puisse faire pour notre planète ! ”
Quels avantages en tirez-vous ? Voyez-vous un impact direct de la viticulture biologique sur l’environnement et sur vos vins ?
Philippe MUR : “Je ne parlerai pas forcément d’avantages, c’est en adéquation avec nos valeurs et ce que nous voulions retranscrire à travers nos vins.
Après, il faut avoir conscience que cela demande beaucoup plus de temps de main d’œuvre, il nous faut être plus pointu sur les produits utilisés, ils sont plus simples et donc parfois moins efficaces et donc risque de perte de rendements – le mildiou par exemple.
Comme dit précédemment, nous avons vu un impact, un changement positif sur l’environnement mais pas sur les vins, qui sont liés à la qualité des fruits, des sols et du terroir.”
Claire DUFAU : “Aujourd’hui il est un peu trop tôt pour nous pour constater les effets sur nos vins, nos sols ou la biodiversité, mais ils ne peuvent que mieux se porter ! Nous verrons les résultats dans plusieurs années. Pour l’instant, cela nous a quand même demandé un gros investissement, humain et financier mais c’est un investissement pour l’avenir.”
Comment voyez-vous la viticulture bio d’ici 5 à 10 ans ? Quelles progressions pourrait-elle avoir ?
Philippe MUR : “Se projeter dans la période que l’on traverse n’est pas facile, mais j’ai espoir qu’à l’avenir plus de domaines se mettent au vin bio.
Aujourd’hui il y a beaucoup plus de conversion au bio, qui est beaucoup plus valorisée dans la viticulture. Aujourd’hui à Bordeaux des Grands Crus passent bio donc cela donne de l’espoir !
Il existe encore une grande marge de main d’œuvre pour arriver à un pourcentage de conversion plus important, j’espère que ça va continuer à progresser.
Mais comme beaucoup de secteur, cela dépend des consommateurs, ce sont eux qui ont la clé !”
Claire DUFAU : “Au niveau technique, la recherche et le développement ont un champ énorme de progression et je suis sûre que beaucoup d’entreprises vont s’y intéresser ! Mais aujourd’hui avec le contexte économique, il est compliqué de se projeter.
Le secteur du vin en a souffert, et le bio également : c’est un autre investissement pour les consommateurs, un vin bio peut parfois coûter plus cher.
Mais je reste confiante et optimiste pour nos vins et les vins bios en général.”
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